Nos sculpteurs interviennent dès la phase d’étude des projets car ils apportent un regard technique et surtout esthétique sur la composition des boiseries. Leurs connaissances des styles et de la sculpture nous permettent de réaliser des ensembles cohérents aussi bien dans les proportions que dans les décors. Ensuite, ce sont eux qui sculptent l’ensemble des ornements sur les panneaux de boiserie.
Aujourd’hui, nous avons voulu partir à la rencontre d’Éric Brohan, responsable du département sculpture d’Atelier de la Boiserie afin d’en savoir plus sur son parcours, ses responsabilités, et plus généralement connaître son regard sur le métier.
Bonjour Éric, pouvez-vous vous présenter, et nous exposer votre parcours professionnel.
Bonjour, avec plaisir. Lorsque l’on me pose cette question, j’ai coutume de dire que j’ai fait l’école de la sueur.
Natif d’un petit village en Bretagne, j’ai toujours eu une attirance pour le dessin. Ainsi, à 17 ans déjà, j’étais au pied de l’établi, et ai commencé ma formation par un apprentissage, avec la volonté d’être rapidement confronté au travail de terrain.
Quelque temps plus tard, j’ai obtenu une bourse du Centre National des Arts Plastiques, me permettant de venir former dans un Atelier parisien réputé pour son savoir-faire en sculpture ornementale.
J’ai ainsi pu me familiariser à l’élaboration de lambris sculptés, de l’étude préalable en collaboration directe avec le bureau d’études et l’atelier de menuiserie, jusqu’à la sculpture proprement dite.
Parallèlement à tout cela, j’ai profité de ma présence à Paris pour suivre des cours à la prestigieuse école Boulle, aux ateliers des beaux-arts de ville de Paris et à l’académie de la Grande Chaumière, tout en allant régulièrement visiter les musées de la capitale.
Au terme de nombreuses années, je me suis dit qu’il était temps d’avoir un diplôme, ce qui a été chose faite avec l’obtention d’un diplôme des métiers d’art (DMA) par VAE.
Me voilà avec ce parcours à l’envers légitimé dans ma pratique.
Quelles sont vos responsabilités actuelles au sein d’Atelier de la Boiserie.
Ma mission consiste à mettre en place un atelier de sculpture au sein de la structure et de le faire fonctionner.
Pour ce faire, j’ai recruté deux jeunes gens, Léa et Clément, fraîchement sortis de l’école afin de les former et de les faire bénéficier de mon expérience.
Dans mon travail au quotidien, il est absolument essentiel de collaborer étroitement avec le bureau d’études et l’atelier de menuiserie pour mener à bien la réalisation d’une boiserie.
La communication doit être permanente pour éviter les erreurs d’interprétation qui entraînent fatalement une perte de temps.
Mon rôle consiste aussi à sélectionner et faire appel ponctuellement à des sculpteurs externes pour les besoins propres à certains ouvrages.
Pouvez-vous nous faire état de l’importance de la sculpture dans les différents projets d’Atelier de la Boiserie.
Lorsque j’ai rencontré Vincent Gounon, il m’a fait part de sa volonté d’être à même de réaliser de grands décors sculptés et d’être force de proposition, de conseils et de suggestions auprès des clients, décorateurs, et architectes avec lesquels nous collaborons.
Par conséquent je suis bien souvent mobilisé depuis l’avant-projet en faisant par exemple des perspectives, des petites élévations, des recherches iconographiques, historiques, jusqu’aux dessins d’exécution que l’on fait grandeur nature et qui peuvent être ombrés surtout s’ils sont présentés in-situ chez le client.
Il faut savoir qu’au XVIII ème siècle, les dessins étaient faits directement sur les murs, au fusain ou à la pierre noire.
Il va sans dire que cela demande une bonne connaissance des styles et de leur évolution.
Il est fondamental d’avoir à sa disposition une bonne documentation qui peut être enrichie par des consultations à la bibliothèque des Arts Décoratifs ou Forney par exemple.
En tant que sculpteur, quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier.
Il y en a plusieurs qui me viennent à l’esprit. En ce moment même, nous avons en atelier une splendide boiserie Louis XV sculptée en plein bois qui est en cours de réalisation. Outre la beauté de la matière, il s’agit d’un travail fort intéressant car il s’agit d’une menuiserie traditionnelle tout en chêne.
Nous travaillons aussi sur un projet privé considérable en Suisse pour lequel nous avons déjà réalisé une boiserie d’inspiration Louis XIV, et également un salon « à l’Italienne » en cours de sculpture, de style Louis XVI. Le client nous a aussi demandé d’imaginer des décors richement sculptés pour quatre autres pièces, toujours dans un esprit XVIII ème siècle..
C’est un projet qui crée beaucoup d’émulation au sein de ma petite équipe.
Malgré les responsabilités fortes dont vous avez la charge, prenez-vous toujours autant de plaisir dans votre travail.
Je vais être clair, ce n’est ni pour la fortune ni pour la postérité que j’exerce ce métier. Nous les praticiens, nous sommes des anonymes.
En revanche personne ne vient nous tenir la main quand on met en place un volume ou lorsqu’on imagine un décor. On en retire une grande satisfaction, chaque fois on essaie de faire mieux que la précédente, c’est sans fin. C’est comme la potion magique, quand on y a goûté on ne peut plus s’en passer.
Comment voyez-vous évoluer les métiers de la sculpture.
Les grands décors sculptés ont toujours occasionné des dépenses somptuaires, alors cela reste un marché de niche. Tant qu’ il y aura des personnes souhaitant habiter dans un intérieur, entre guillemets « historique », je ne suis pas inquiet.
L’ornement dans la décoration contemporaine est quasi inexistant et je suis frustré que l’on nous demande pas davantage de proposer des idées .
Si l’on veut continuer à pratiquer une sculpture de qualité, il faut transmettre et former. Il y a beaucoup de jeunes gens qui aspirent à nous suivre. S’ils ont les dispositions, le tempérament et la persévérance il n’ y a aucune raison qu’ils n’y arrivent pas, et qui sait peut-être qu’un jour on va dénicher le petit génie qui va révolutionner le décor sculpté et donner un nouvel essor à notre métier.